Irak : L’influence grandissante de l’Iran

Publié le par ALANI

Ouest-France du 19 Mars 2006

 

 

 « Ils sont partout. Dans le sud de l’Irak bien-sûr. A l’est aussi. Mais également au cœur de Bagdad » assure Fayçal en évoquant les iraniens de manière alarmiste. Fayçal est chiite et habite dans le centre de la capitale. Un endroit normalement difficile d’accès pour un iranien souhaitant se cacher. Et pourtant, même au cœur de Bagdad, Fayçal a été témoin d’une scène étonnante. Durant la journée de vote pour les législatives du 15 Décembre 2005, des hommes venus en camion et « assurément inconnus dans le quartier » ont jeté leur bulletin dans l’urne. « Ils étaient vêtus de costumes gris sombres avec une chemise noire sans cravate. C’est tout à fait le style vestimentaire iranien » assure Fayçal. Beaucoup de témoignages comme celui-ci circulent dans les rues irakiennes. Certains accusent les brigades Badr Abdel Aziz Al-Hakim, chef du principal parti chiite majoritaire au gouvernement actuel, d’être essentiellement formé d’agents iraniens. D’autres attestent que des centaines, voire des milliers de familles iraniennes se sont installées dans le sud de l’Irak, à Bassora, Amara et Nasriya. Dans ces villes, les ayatollahs les plus influent imposent la charia. Ainsi, les femmes irakiennes ressemblent bien plus aux femmes iraniennes couvertes de la abaya noire traditionnelle. La musique est interdite, tout comme l’alcool et des références aux grands ayatollahs iraniens sont étalées dans les rues. Les iraniens sont partout. Mais on ne les aperçoit pas ou peu. Leur influence est pourtant bien réelle. Quel a été leur itinéraire ? Fao, dans le sud de l’Irak. « De là, ils ont rejoint Bassora et Nadjaf. Leur influence est grandissante là-bas. Dans le sud, ce sont plutôt les familles qui investissent les quartiers. A Bagdad, ce sont les agents iraniens, couverts par certains partis irakiens qui font la loi » certifie ce membre du gouvernement qui souhaite garder l’anonymat.

 

 La frontière sud n’est pas la seule à être objet d’infiltrations. Pour les habitants de Khanaqin à l’Est de l’Irak, la véritable passoire irakienne se trouve là. Entre Kut et Halabja, dans le Kurdistan irakien. Près de 400 kilomètres de bordure avec l’Iran resteraient pour ainsi dire incontrôlée. Les autorités irakiennes gardant l’œil sur la frontières avec la Jordanie et la Syrie. Depuis le début de l’insurrection en Irak, les sunnites formaient la quasi totalité des factions armées. Après avoir déposé son empreinte dans la nouvelle fabrique politique et sociale de l’Irak en infiltrant ses milices ainsi que ses agents, et en finançant  les groupes chiites tel l’armée du Mehdi de Moktada Sader, l’Iran passe discrètement à l’action. Beaucoup voit la main de la république islamique dans le chaos irakien et notamment dans l’attentat contre le mausolée de Samarra. Les tensions entres sunnites et chiites s'amplifient, affaiblissant l’armée américaine, qui assiste, impuissante, aux meurtres à caractères confessionnels. Embarrassé, le ministre de la défense américain Donald Rumsfeld a ouvertement dénoncé « l’ingérence iranienne à l’aide de ses gardiens de la révolution qui financent et arment les milices contre nous. Nous le savons ». Mais preuve de la discrétion iranienne, le pentagone a déclaré n’avoir aucune preuve de l’implication de Téhéran dans les infiltrations en Irak de ses agents iraniens, ni dans la fabrication de bombes explosant au passage de troupes américaines. Sur fond de crise nucléaire, l’Iran a tout intérêt à voir l’administration Bush affaibli en Irak. Et comme pour apaiser la situation, le leader chiite Abdel Aziz Al-Hakim a appelé « l’Iran à ouvrir le dialogue avec les Etats-Unis sur les points divergents en Irak ». Le secrétaire du Conseil suprême iranien de la sécurité nationale Ali Larijani a aussitôt accepté la proposition en réponse à l’ambassadeur américain en Irak Zalmay Khalilzad qui affirme que les américains, eux, sont prêts pour le conciliabule.

 Feurat Alani

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