"Je n'oublierai jamais ce que j'ai vu"

Publié le par ALANI

Ouest-France du 01/09/2005

Noyés, piétinés ou asphyxiés, des centaines d’irakiens ont été, hier, les victimes d'un pèlerinage meurtrier. Témoignages.

 « Je n’oublierai jamais ce que j’ai vu » déplore le jeune pèlerin Hassan, « nous marchions sur le pont, quand soudain des groupes de personnes ont crié. Paniqués, les pèlerins couraient dans tous les sens. Beaucoup de gens étouffaient devant moi, piétinés par la foule ». Noyés, piétinés ou asphyxiés, les victimes se comptent par centaines. Près de la rambarde du pont Al-Aaïma, où des dizaines de milliers de pèlerins se dirigeaient en procession vers un sanctuaire chiite, les femmes en abaya noire crient leurs désespoirs. Allongés à même le sol, des centaines de cadavres enveloppés de couvertures gisent de parts et d’autres des trottoirs de la rue principale du quartier Al-Adhamiya au nord de Bagdad. Tous viennent rechercher désespérément un des leurs.

 

Sur le trottoir d’en face, un homme jette de l’eau sur le visage d’une femme évanouie qui vient de reconnaître le corps de son enfant. A proximité, un père de famille récite des versets du Coran en bénissant le cadavre de son fils, noyé dans le tigre. Selon des témoins, des enfants ont été encouragés à se jeter dans le Tigre, faute d’issue de secours. Et beaucoup de pèlerins critiquent ce manque de précautions. « Sur le pont, une seule voie a été aménagée. Des blocs de ciments limitaient le passage des pèlerins. C’est la raison pour laquelle beaucoup de gens ont piétiné les autres par manque d’issues de secours » dénonce, écoeuré, ce jeune pèlerin, les vêtements tachés de sang. « Ce sont les plus faibles qui ont été tués. J’ai moi-même plongé dans le fleuve pour sortir les corps, la plupart étaient des femmes et des enfants » déplore-t-il. Cependant, la plus grande confusion régnait sur l'origine de ce terrible incident.

 

 

 L’hôpital Yarmouk, situé à l’ouest de Bagdad, a accueilli plusieurs dizaines de victimes. Sous les gyrophares des ambulances, une équipe médicale s’active autour d’un brancard. « Il faut faire vite. D’autres blessés attendent des soins et nous n’avons pas assez de places » explique le docteur Mohamed Suleïman. Faute de moyens, beaucoup de blessés recevaient les soins à même le sol. Les salles d’opérations ne pouvant contenir que vingt personnes. En plus de cadavres noyés ou asphyxiés, l’hôpital a également signalé l’empoisonnement de sept personnes après avoir bu des jus de fruits et mangé de la nourriture distribuée près du tombeau de l'imam Mousa al-Khadim autour de la mosquée chiite de Kazamiya.

Feurat ALANI

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